La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire (OPJ). Elle permet de retenir une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction d’une certaine gravité. Il s’agit d’une mesure essentielle dans le cadre d’une enquête pénale, quasiment incontournable. Comprendre ses étapes et son déroulement vous aidera donc appréhender aux mieux cette situation souvent délicate.

Sommaire

  1. Rappel des cas de placement en garde à vue
  2. La notification des droits de la personne garde à vue
  3. L’entretien avec l’avocat
  4. La prise d’empreintes digitales
  5. L’examen médical
  6. L’audition
  7. Exemples d’actes d’investigation fréquents dans certaines affaires
  8. La durée et la prolongation de la garde à vue
  9. La fin de la garde à vue
  10. Les suites de la garde à vue
  11. Conclusion

Rappel des cas de placement en garde à vue

La garde à vue est décidée lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction punie par une peine d’emprisonnement (art. 62-2, 77 et 154 du code de procédure pénale).

Conformément à l’article 62-2, du code de procédure pénale (CPP), la garde à vue doit constituer « l’unique moyen » de parvenir à l’un des objectifs suivants :

  1. Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
  2. Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;
  3. Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
  4. Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
  5. Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;
  6. Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit

La notification des droits de la personne gardée à vue

La personne placée en garde à vue doit immédiatement être informée de ses droits, par un OPJ (art. 63-1 du CPP).

Voici les principaux droits garantis :

  • Droit à être informé des faits reprochés (qualification juridique, date et lieu de commission)
  • Droit à être assisté d’un avocat dès le début de la mesure de garde à vue
  • Droit à un examen médical
  • Droit de communiquer avec un proche
  • Droit d’être assisté par un interprète
  • Droit de consulter certains documents
  • Droit de présenter des observations
  • Droit de garder le silence

L’entretien avec l’avocat

Vous avez le droit de consulter un avocat dès le début de la garde à vue. Cet entretien, qui peut durer jusqu’à 30 minutes. Un autre entretien sera possible à chaque prolongation de la garde à vue (art. 63-4 du CPP).

Il s’agit d’une étape essentielle car c’est lors de cet entretien que vous pourrez préparer vos auditions avec votre avocat. L’avocat vous conseillera sur la conduite à tenir (par ex. : opportunité de garder le silence, répondre aux questions ou faire des déclarations spontanées). A l’issue de cet entretien, selon ce que vous aurez pu confier à votre avocat, il pourra également formuler des observations afin que l’attention de l’OPJ et/ou du magistrat soit attirée sur certains éléments de l’affaire ou d’éventuels difficultés qui auraient pu intervenir lors de la mesure de garde à vue.

L’importance de l’entretien avec l’avocat a été réaffirmée par la Cour de cassation. Dans sa décision du 21 octobre 2015, la haute juridiction a ainsi annulé plusieurs procédures où ce droit n’avait pas été respecté.

La prise d’empreintes digitales

Durant la garde à vue, il est courant que les forces de l’ordre procèdent à la prise d’empreintes digitales et de photographies pour l’identité judiciaire (art. 55-1 du CPP). Cette étape est essentielle pour l’identification et la vérification des antécédents judiciaires de la personne gardée à vue.

Le code de procédure pénale n’impartit pas de délais particuliers aux enquêteurs pour procéder à l’identification judiciaire. La prise des empreintes digitales pourra donc se faire indifféremment en début ou au milieu de la mesure. De même, les textes ne prévoient pas que l’avocat soit présent à cette étape.

L’examen médical

Un examen médical peut être demandé à tout moment par la personne gardée à vue. Cet examen doit en effet permettre de vérifier que son état de santé est compatible avec la mesure garde à vue (article 63-3 du CPP). Cet examen pourra d’ailleurs être renouvelé afin de s’assurer qu’en cas d’évolution de l’état de santé de la personne, la mesure soit toujours compatible.

L’audition

Durant la garde à vue, la personne gardée à vue sera entendue afin que les enquêteurs puissent recueillir ses déclarations concernant les faits qui lui sont reprochés. Il pourra ainsi être organisé une voire plusieurs auditions, selon les nécessités de l’enquête.

Ces auditions doivent se dérouler dans le respect des droits du mis en cause.

Il s’agit d’une étape essentielle qui souvent déterminera l’issue de votre garde à vue.

L’assistance d’un avocat lors de vos auditions se révélera donc cruciale, non seulement pour faire respecter vos droits – mais également pour vous conseiller sur la conduite à adopter.

Exemples d’actes d’investigation fréquents dans certaines affaires

  • Confrontations. Il sera possible que la personne placée en garde à vue soit confrontée avec d’autres personnes. Les confrontations sont généralement organisées lorsque les déclarations de la personne mise en cause divergent de celles d’une autre partie (plaignant, complice, témoin…).
  • Pesée des matières stupéfiantes. Dans les affaires liées aux trafics de stupéfiants, la pesée des matières stupéfiantes retrouvées est effectuée en présence de la personne gardée à vue. La présence de la personne est en effet exigée pour garantir la transparence et la régularité de cet acte d’investigation (art. 55-1 du CPP).
  • Exploitation du téléphone. Les enquêteurs peuvent demander le code de déverrouillage de votre téléphone pour accéder aux données pertinentes pour l’enquête (art. 230-1 du CPP). L’exploitation du téléphone pourra alors se faire sans la présence de votre avocat. Cependant, en général cet acte est réalisé lors d’une audition afin que l’enquêteur puisse immédiatement recueillir vos observations.
  • Expertises psychologique/psychiatrique. Dans certaines affaires (liées aux infractions sexuelles par exemple), la personne gardée à vue pourra faire l’objet d’un examen psychologique et/ou psychiatrique.

La durée et la prolongation de la garde à vue

La durée maximale initiale de la garde à vue est de 24 heures. Cependant la mesure peut être prolongée de 24 heures supplémentaires, selon les nécessités de l’enquête.

De même, s’agissant des cas les plus graves, la mesure pourra être prolongée au-delà de 24 heures.

En revanche, aucune mesure de garde à vue ne pourra excéder les durées prévues par le code de procédure pénale.

Enfin, toute prolongation éventuellement ordonnée/autorisée par le procureur de la République devra être précisément justifiée. A titre d’illustration, la Cour de cassation a ainsi annulé des prolongations de garde à vue insuffisamment motivées (Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 novembre 2015).

La fin de la garde à vue

La garde à vue peut prendre fin dans deux hypothèses :

  1. Soit, lorsque toutes les actes d’investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ont été réalisées.
  2. Soit, lorsque les délais légaux sont arrivés à terme.

Les suites de la garde à vue

Selon les cas, le procureur décidera des suites à la mesure de garde à vue. Elles sont multiples.

Le classement de l’affaire (classement sans suite)

  • Classement sans suite pur et simple : si les éléments recueillis ne justifient pas de poursuite, le procureur de la République peut décider de classer l’affaire sans suite. La personne est alors libérée sans autre conséquence judiciaire (sauf inscription d’une mention au fichier TAJ, v. : L’effacement du fichier TAJ : Tout ce que vous devez savoir)
  • Classement sans suite sous condition : le procureur de la République peut décider de classer l’affaire sans suite, moyennant pour la personne gardée à vue d’accomplir certaines diligences. Elles sont diverses. Il peut s’agir notamment de :
    • orienter l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;
    • demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;
    • demander à l’auteur des faits de réparer le dommage qu’il a causé.

La poursuite de l’affaire

Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle les éléments recueillis au cours de l’enquête justifient la poursuite la personne devant juridiction pénale. En d’autres termes, le procureur de la République estime qu’il existe contre la personne mise en cause des charges suffisantes d’avoir commis les faits reprochés. On parle alors de « déferrement » lorsqu’à l’issue de sa garde à vue, la personne est présentée à un magistrat. Le procureur de la République disposera de plusieurs alternatives :

  • Comparution immédiate : si les faits sont simples et l’enquête suffisamment avancée, la personne pourra alors être jugée immédiatement (v. : La procédure de comparution immédiate : tout comprendre en 10 minutes).
  • Ouverture d’une information judiciaire : si l’affaire nécessite des investigations plus approfondies, le procureur pourra saisir un juge d’instruction. L’ouverture d’une information judiciaire est par ailleurs obligatoire dans certaines affaires (infractions graves ou complexes : v. : L’information judiciaire : comprendre cette phase clé de la procédure pénale). Dans ce cas, se posera la question du sort de la personne gardée en vue (placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire).
  • Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) : pour certains délits, le procureur de la République pourra proposer une CRPC. Il s’agit d’une procédure simplifiée dans laquelle la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés (v. : La Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) : Définition, déroulement et enjeux).
  • Levée de garde à vue et remise en liberté avec COPJ (Convocation par Officier de Police Judiciaire) : la personne est libérée mais devra comparaître ultérieurement devant le tribunal pour répondre des faits qui lui sont reprochés.

L’alternative aux poursuites

Lorsque les faits sont de faible gravité, le procureur de la République peut opter pour une procédure simplifiée et rapide, sans procès telle la médiation pénale, l’avertissement pénal probatoire (anciennement, « le rappel à la loi ») ou encore la composition pénale (v. : La composition pénale : Définition, déroulement et enjeux).

Conclusion

Même si les textes n’imposent pas l’assistance d’un avocat pendant la mesure de garde à vue (sauf pour les personnes mineures), l’avocat joue néanmoins un rôle crucial :

  • Il vous guidera et anticipera les différentes étapes à venir.
  • Il vous aidera à préparer au mieux vos auditions et/ou confrontations.
  • Il veillera à ce que l’ensemble de vos droits soient respectés tout au long de cette mesure.

Bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure de garde à vue maximisera donc vos chances d’obtenir une orientation favorable de votre dossier à l’issue de votre garde à vue.

De même, les observations que fera votre avocat seront susceptibles d’être déterminantes pour la suite de la procédure en cas de déferrement.